Une brève histoire de Mont-Dauphin
Histoire de Mont-Dauphin
Juillet 1692: le duc de Savoie, allié aux voisins protestants de la France dans la Ligue d’Augsbourg, prend Guillestre, Embrun, Gap, menace de rejoindre les insurgés protestants des Cévennes. L'invasion s'achève avant l'hiver, mais a alerté Louis XIV sur la faiblesse des défenses alpines.
Vauban, dépêché pour renforcer la frontière, choisit le plateau désert des Millaures (mille vents), à un carrefour stratégique de vallées commandant l'accès au Dauphiné et à la Provence, pour y construire une place forte. « Ce lieu me paraît excellent et fait exprès pour la place du monde la mieux située par rapport à la frontière, » écrit-il au roi. Il note que les matériaux de construction, bois et pierre, sont proches et abondants, de même que le fourrage pour le bétail et le bétail pour la nourriture de la troupe. Des sources captées sur la montagne proche fournissent l’eau qui peut être stockée dans deux citernes assez vastes pour soutenir un siège de deux mois.
Vauban nomme la place Mont-Dauphin en l'honneur du fils du roi et lance les travaux au printemps 1693. Suspendus en hiver, ralentis par la dureté du roc, ils ne seront pas encore achevés quand Vauban revient sept ans plus tard. Il est néanmoins confiant que « Mont-Dauphin deviendra dans peu de temps une belle et bonne place » ». Mais en cette fin de règne de Louis XIV, après des guerres incessantes, le royaume est épuisé et l’argent manque pour mener à bien tous les projets.
Mont-Dauphin a trois bastions protégés par des demi-lunes, un arsenal, une poudrière, deux casernes, un pavillon pour le gouverneur, un autre pour les officiers, des maisons pour les civils. Mais l’église, que Vauban avait prévue monumentale, n’aura pas de nef. Trop couteux, le bastion qu’il avait prévu sur le plateau de Guillestre pour prévenir une attaque au canon par dessus le Guil ne verra pas le jour.
Ironie de l’histoire, moins de sept ans après la mort de Vauban, au Traité d'Utrecht de 1713 la France abandonne le Piémont à la Savoie en échange de l'Ubaye. La frontière s'éloigne vers l'Est jusqu’à la ligne de partage des eaux. Briançon devient ville frontière, Mont-Dauphin ne l'est plus.
A la fin du 18ème siècle, de nouvelles défenses sont cependant ajoutées : la lunette d’Arçon sur le glacis d’Eygliers, une troisième caserne, Rochambeau, sur le front d’Embrun. La poudrière est enterrée au 19ème pour la mettre à l’épreuve des bombes. Une quatrième caserne, construite à la place de l’hôpital militaire au 20ème siècle, abrite aujourd’hui un centre de vacances du service social des armées.
Mont-Dauphin a compté un millier de soldats et jusqu’à 400 civils. Mais la ville n'atteindra jamais les 2000 habitants qu'avait espérés Vauban. Devenue base arrière, elle servira d’entrepôt de matériel, de refuge possible pour une retraite, de camp de prisonniers pour des Autrichiens en 1707, des Anglais sous Napoléon. Elle emprisonne des officiers Allemands tout en accueillant des réfugiés de Serbie pendant la première guerre mondiale.
Mont-Dauphin et Briançon résisteront à de brefs sièges par des troupes Austro-sardes revenant au Piémont en 1815. Mais Mont-Dauphin a perdu son utilité militaire. Elle ne verra le feu qu'une fois, en juin 1940 lorsqu'une bombe italienne larguée au hasard détruit une des deux ailes de l'Arsenal et la cure, endommageant l’église et de nombreuses maisons.
XXe siècle
Après la guerre 1914-18, sa garnison n'est plus qu'épisodique. Pendant la seconde guerre mondiale, le fort est sporadiquement occupé par les Italiens, puis les Allemands. Un détachement de douaniers allemands s’y réfugie en 1944 puis se rend. Mont-Dauphin reçoit des réfugiés du soulèvement de Hongrie en 1956, des rapatriés d’Algérie en 1962.
Dés 1975 le ministère de la défense transmet Mont-Dauphin, devenue monument national, au ministère de la culture tout en réservant deux casernes au service social des armées comme centres de vacances. La place ne retrouvera plus que rarement les uniformes et les cuivres de son passé, lorsque les chasseurs alpins reviendront en manœuvres former le carré pour une prise d’armes sur la place de l’Arsenal.
Avec les derniers soldats s'en vont ceux qui en vivaient. La population de Mont-Dauphin tombe à 30 habitants en 1980. Puis le tourisme se développe. La commune acquiert la caserne Campana pour y installer des artisans d’art et leurs ateliers, puis la fortification dite « Cavalier 104 » pour un futur espace culturel. La population commence à remonter dans les années 1990 pour approcher aujourd’hui de 170. L’inscription au Patrimoine mondial de l'Unesco en 2008 marque une nouvelle date dans le développement de la commune, qui reste la plus exigüe de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.